The Chestnuts, Guildford (Photos : The Writing Box)
Un héritage omniprésent
Cet article est publié le 14 janvier 2014, soit 116 ans après le décès de Charles Lutwidge Dodgson alias « Lewis Carroll » dont l’œuvre, après celle de Shakespeare et la Bible, est la plus citée dans le monde occidental. Plus précisément Alice au pays des merveilles (1865) et De l’autre côté du miroir et ce qu’Alice y trouva (1872). Combien de références multiples, visuelles ou écrites, au chat de Cheshire ou au passage de l'autre côté du miroir! Un exemple notable est le film La Matrice, dans lequel on trouve un lapin blanc – sous la forme d'un tattoo – que Néo va suivre, puis plus tard Morphée qui offre à Néo d'expérimenter jusqu'à quelle profondeur va le terrier du lapin, dans la fameuse scène où il lui tend les pilules rouge et bleue :
Je suppose qu'en ce moment, tu éprouves la même chose qu'Alice tombée dans le terrier du lapin blanc. (...) Tu prends la pilule bleue, l’histoire s’arrête là, tu te réveilles dans ton lit, et tu crois ce que tu veux. Tu prends la pilule rouge, tu restes au Pays des Merveilles et je te montre jusqu’où va le terrier.
Si vous prêtez attention, vous constaterez qu'il ne passe pas un jour sans qu'on entende au moins une allusion à l'imaginaire de Lewis Carroll. Il semble bien en effet que l'univers d'Alice forme une trame mythologique bien omniprésente dans notre monde moderne. Est-ce parce que celui-ci nous paraît tellement insensé ou que nous avons l'intuition qu'autre chose se cache derrière les apparences de la réalité? Quoi qu'il en soit, j'ai connu une expérience spéciale par rapport à cet univers fabuleux et son mystérieux créateur né en 1832. Et c'est totalement par hasard (ou l'était-ce?) que je me suis retrouvée, à l'occasion d'un court séjour en Angleterre il y a quelques années, à visiter le lieu où il a passé les derniers jours de sa vie.
La visite à Guildford
Voici ma petite histoire personnelle au sujet de M. Dodgson. Ça s'est passé en août 2011, à mon premier séjour au Royaume-Uni. Je participais à un événement près de Londres et j'ai voulu en profiter pour aller au Harry Edwards Healing Sanctuary à Burrows Lea dans le comté de Surrey. Après avoir lu sur Internet que le sanctuaire du guérisseur se trouve près de Guildford, j'ai appris que c'est dans cette ville que Lewis Carroll a vécu ses derniers jours, soit jusqu'en 1898. Il y louait une maison, The Chestnuts, pour ses six sœurs restées célibataires, et en 1874 y a écrit La chasse au Snark. Ayant toujours été attirée par la douce folie et le ludisme littéraire de cet auteur, je me suis donc fait une joie d'organiser une visite dans cette ville le jour de mon arrivée en territoire britannique.
Quelle jolie petite ville sympathique et pleine d'Histoire! Après avoir exploré le parc entourant les ruines du château et le musée de Guildford, j'ai entrepris de me diriger vers le Mount Cemetery. C'est surprenant combien cet auteur peut être si connu mondialement, alors que sa tombe se trouve en un lieu si simple et calme, dans un vieux cimetière en haut d'une colline pourtant si accessible qu'elle est visible depuis le centre de Guildford (voir la photo ci-dessous). Effectivement, je n'ai vu personne durant ma visite à Lewis Carroll! Enfin, aucun humain...

Vue de la colline depuis Guildford
On trouve la petite tombe dès l'entrée, à côté d'une vieille chapelle. J'y suis allée me recueillir un peu, transmettant mon amitié à cet être bien mystérieux. J'ai pris plusieurs photos et j'ai été émerveillée par ce très grand arbre, une sorte de cèdre, qui semble enraciné là où l'auteur repose. A t-il été planté-là en même temps que le cercueil du révérend Dodgson? J'étais donc en train de photographier l'humble stèle, lorsque j'ai entendu un bruissement de feuillage au fond du cimetière. La vision que j'ai alors eue semblait directement tirée du monde de Lewis Carroll : un groupe de corneilles pourchassait un renard! Ça n'a duré qu'un bref instant, mais j'ai pu clairement imprimer cette vision dans ma mémoire. Et ensuite, le silence est revenu, et j'ai eu beau chercher du regard, je n'ai pas pu revoir le beau renard et ses poursuivants.
Une vie bien mystérieuse
À celles et ceux qui voudraient en savoir plus au sujet de l'être réel derrière le nom Lewis Carroll, je vous recommande fortement le livre The Mystery of Lewis Carroll de Jenny Woolf. Bien que très indiscret sur sa vie – il aurait bien déplu à cet homme qui n'aimait pas attirer l'attention sur lui –, cette biographie nous permet de le découvrir par-delà les idées reçues et les images déformantes qui ont circulé à son sujet, notamment sur sa relation avec les fillettes. On y découvre un Charles Lutwidge Dodgson aussi bien adapté à son époque qu'en avance sur elle.